AT/MP avec faute inexcusable: comment réparer le déficit fonctionnel permanent
Invoquer la faute inexcusable consiste pour le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle à faire valoir que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger, mais n'a pas pris les mesures nécessaires pour en préserver le salarié. Cass. civ. 2e ch. 8 octobre 2020, n°18-25021 FSPBI et18-26677 FSPBI.
Cette action lui permet d'obtenir la réparation intégrale de ses préjudices au travers d'une majoration de sa rente et de l'indemnisation des dommages non couverts par cette rente majorée. Il faut donc déterminer ce que répare la rente majorée pour identifier les préjudices pouvant donner lieu à une indemnisation complémentaire distincte de la rente.
Depuis un arrêt de 2009, la Cour de cassation considérait que la rente majorée à la suite de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur réparait, entre autres préjudices, la perte de gains professionnels, l'incidence professionnelle de la capacité et le déficit fonctionnel permanent. Cass. civ. 2e ch. 11 juin 2009, n° 08- 17581, BC II n°155.
La victime ne pouvait donc obtenir une réparation complémentaire au titre des souffrances physiques et morales endurées qu'en démontrant que ses souffrances n'avaient pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent. Cass. civ. 2e ch. 28 février 2013, n° 11-21015, BC II n°48.
Dans deux arrêts du 20 janvier 2023, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence considère désormais que la rente majorée servie à la victime à la suite de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.
Dans chacun de ces arrêts, elle explique pourquoi, selon elle, on ne pouvait plus considérer que la rente majorée valait réparation du déficit fonctionnel permanent :
– il paraissait difficile d'intégrer un mécanisme de réparation forfaitaire, le montant de la rente résultant du produit du salaire annuel de base par le taux d'incapacité, la réparation de préjudice nécessitant une appréciation plus proche de la réalité;
– en pratique victime, les victimes éprouvaient parfois des difficultés à démontrer que la rente n'indemnisait pas le préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ;
– du point de vue du Conseil d'État, la rente d'accident du travail a pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle (perte de gains professionnels et incidence professionnelle de l'in capacité), elle n'a pas vocation à réparer un préjudice personnel. CE 18 octobre 2017, n°404065.
Désormais, la victime qui obtient la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur peut réclamer une indemnisation complémentaire au titre des souffrances physiques et morales endurées après consolidation, sans avoir à démontrer que ces souffrances ne sont pas déjà réparé par la rente majorée.
Cass. ass. plén. 20 janvier 2023, n°20-23673 BR et 21-23947 BR
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