Une vidéosurveillance installée illégalement peut-elle servir de preuve ?
Ayant constaté des écarts de stocks importants et injustifiés suite à l'inventaire réalisé sur certains produits, un pharmacien avait installé un dispositif de vidéosurveillance afin d'assurer "la sécurité et la prévention des atteintes aux biens et aux personnes", pensant être victime de vols de la part de clients.
Le dispositif a permis par des recoupements de mettre en évidence des vols répétés de la part de la caissière de la pharmacie qui a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave.
La salariée n'ayant pu faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle a porté l'affaire jusque devant la Cour de cassation.
Elle a invoqué notamment le fait que l'employeur n'avait pas consulté les représentants du personnel, ni informé les salariés sur le dispositif mis en place.
Le dispositif étant illicite selon elle, elle a tenté de démontrer que les conditions de sa recevabilité à titre de preuve de sa faute n'étaient pas remplies et que la preuve des faits qui lui étaient reprochés aurait pu être rapportée par d'autres moyens.
Mais la Cour de cassation a considéré que les conditions de recevabilité d'une preuve obtenue illicitement sont remplies.
La Cour a rappelé que dans un procès civil, la preuve illicite n'est pas forcément irrecevable. Elle est recevable si elle réussit le "test de proportionnalité" que doit lui faire passer le juge.
Ainsi, lorsque une partie le lui demande, le juge doit "apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi".
Il en résulte que lorsqu'une preuve est issue d'un dispositif de surveillance des salariés, le juge doit d'abord:
-s'interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l'employeur,
-rechercher si l'employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d'autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié,
- apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.
Dans cette affaire, la cour d'appel a retenu que le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps, dans un contexte de disparition de stocks, après les premières recherches restées infructueuses et avait été réalisé par le dirigeant de l'entreprise, et donc qu'il était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et proportionné au but poursuivi.
La Cour de cassation a ainsi considéré que la production des images issues du dispositif de vidéosurveillance installé illicitement étaient bel et bien est bel et bien recevables et que le licenciement était donc bien justifié.
Cass. Soc. 14 février 2024, n°22-23073 FB
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