Revirement : une meilleure protection du salarié qui dénonce un harcèlement moral
Une salariée d'une association a adressé un courrier à plusieurs membres du conseil de l'administration pour dénoncer notamment le comportement du directeur auquel elle était rattachée indiquant que ce comportement avait entraîné une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.
Elle a ensuite été licenciée pour faute grave pour avoir "gravement mis en cause l'attitude et les décisions prises par le directeur Monsieur.... tant à son égard que s'agissant du fonctionnement de la structure" et d'avoir porté "des attaques graves à l'encontre de plusieurs de ses collègues, quant à leur comportement, leur travail, mais encore à l'encontre de la gouvernance de l'association ».
Elle a saisi le conseil de prud'hommes pour solliciter la nullité de son licenciement et dénoncer les agissements de harcèlement moral qu'elle avait subis.
Le conseil de prud'hommes l'a déboutée de ses demandes mais la cour d'appel a réformé le jugement et lui a donné raison.
La Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence, approuve la cour d'appel d'avoir annulé le licenciement de la salariée.
Depuis un arrêt du 13 septembre 2017, la Cour de cassation considérait que le salarié qui a dénoncé des faits de harcèlement moral ne peut bénéficier de la protection contre le licenciement que s'il a lui-même qualifié les faits d'agissements de harcèlement moral. Cass. soc. 13 septembre 2017, n°15–23045, BC V n°134
Aujourd'hui, la Cour de cassation revient sur cette jurisprudence et s'en explique de la manière suivante :
- elle rappelle que l'employeur peut invoquer devant le juge la mauvaise foi du salarié licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral même s'il n'en a pas fait état au préalable dans la lettre de licenciement.
– Elle rappelle que le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice non abusif par un salarié de sa liberté d'expression est nul.
En conséquence, la chambre sociale de la Cour de cassation décide désormais que « le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu'il n'ait pas qualifié les dits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce".
Il appartient dorénavant au juge du fond de vérifier le caractère évident d'une telle dénonciation dans l'écrit du salarié, même si celui-ci n'a pas utilisé les mots « harcèlement moral »
Cette nouvelle jurisprudence devrait à l'avenir être étendue à la dénonciation de faits de harcèlement sexuel ainsi qu'aux discriminations.
Cass. Soc. 19 avril 2023, n°21-21053 FPBR
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